Anthea: Vient du grec ancien "Anthos", qui signifie fleur. Au sens figuré, ce nom symbolise la perfection et l'excellence. Dans la mythologie grecque, il était l'un des surnoms d'Héra, et a inspiré les Romains pour en faire leur Junon. Au XVIIè siècle, ce prénom aimé des poètes anglais fut réservé à l'élite intellectuelle.

Mme Kwon Irina, vingt-sept ans, mannequin reconnu et épouse d'un coréen devenu directeur d'une grande société pétrolière, rentra dans sa ville natale pour voir sa famille, qu'elle avait ignorée depuis des années. Pendant un repas, des douleurs survinrent, et on dut l'emmener d'urgence à l'hôpital pour une probable péritonite. Pourtant, le médecin lui annonça qu'elle allait mettre au monde son second enfant, quatre ans après son fils Priam. Une naissance surprise à laquelle ni elle, ni son mari n'étaient préparés. Seule dans cette chambre froide et aseptisée - Kwon Jong Shik était à ce moment à Moscou, loin des futilités de son épouse, car il considérait la famille de sa femme comme des bouseux sans intérêt, et son vénéré fils était bien sûr avec lui – Irina puisa dans cette mythologie grecque qu'elle adorait depuis petite, et décida d'appeler cette petite fille Iris, l'arc en ciel. Lorsque son mari fut prévenu de l'existence de son second enfant, il fila à l'autre bout de la Russie pour voir sa mignonne femelle. Il refusa tout net le prénom, et chercha quelque chose de plus fort pour sa progéniture. Après une journée et de nombreux compromis, ils choisirent Anthea, un nom à la fois doux et puissant. Le bébé, dans le berceau de la maternité de Vladivostok, montrait déjà la future dislocation de la famille.

La petite grandit entre Séoul et Moscou, entre une mère surprotectrice et un père misogyne qui ne voulait pas entendre parler d'elle. Car pour lui, une femme était bonne à faire les enfants, être belle et fermer sa gueule de soumise. Anthea accompagnait sa génitrice aux défilés et ravissait les collègues modèles de sa mère grâce à sa petite bouille, mais elle voulait être vers son frère et son père. L'enfant de cinq ans qu'elle était allait parfois en plein cœur de la Sibérie, là où elle était née, ou dans la capitale coréenne pour voir son papa faire du business avec d'autres personnes qui étaient moins riches que lui et qui devaient se taire. Des femmelettes, en somme. Son frère et elle voulait devenir comme le grand homme qu'il était. Mais monsieur Kwon savait déjà que la compagnie qu'il dirigeait irait à son fils, pas à la conne qui lui servait de fille.

Lorsqu'elle eut six ans, Anthea resta définitivement à Séoul pour suivre sa scolarité, mais aussi parce son géniteur ne voulait plus d'elle dans ses pattes. On l'inscrit à des cours de danse classique, pour lui faire passer des envies plus masculines. Sa mère était de toute façon d'accord avec son père; depuis son mariage, Irina était totalement soumise et n'agissait plus que sur ordre de monsieur. Elle suivait le moindre progrès d'Anthea, et la forçait à s'entraîner encore plus. De faire toujours mieux, dans tous les domaines. En plus de ses prouesses en entrechats, la petite fille devait être la meilleure dans toutes les matières, mais surtout ne pas trop réfléchir. Pourquoi faire? Parce qu'elle était déjà considérée comme une bonne à marier inutile, qui devait être assez intelligente pour donner des idées à son époux, mais aussi assez stupide pour ne pas rechigner sur son sort de femme prisonnière de ses obligations.

Pendant huit ans, elle suivit ce régime quasi-despotique – digne du communisme à la Staline! Son père avait déjà quitté la compagnie, et s'était engagé dans la politique avec succès, puisqu'il venait de décrocher un poste de secrétaire d’État. Malheureusement pour monsieur le politicien, Anthea avait grandi en développant un instinct qui rejetait tout ce qui avait trait à la féminité. Bien qu'elle portait ses vêtements de fille, son uniforme et son tutu en cours de danse, elle s'était mise à développer un caractère tellement masculin qu'elle dépassait en virilité certains hommes. Avec son caractère très fort, son obstination à faire ce qu'elle désire et son ambition démesurée, elle brisait tous les projets que ses parents avaient construits pour elle. Et, pour être honnête, elle le faisait avec grand plaisir. Car au fil du temps, Anthea ne voulait plus qu'une chose: se venger, aussi bien de son père que de son frère. Priam était d'ailleurs entré à l'université et faisait des études d'économie, ravissant ses parents qui aimaient le voir en futur politicien. Anthea? Monsieur Kwon n'en avait toujours rien à cirer. Du moment qu'elle ne montrait aucun signe de rébellion, et qu'elle se faisait petite dans son monde, tout allait bien.

Lors des précédentes élections, le président coréen nomma monsieur Jung en tant que premier ministre. Ce dernier nomma Kwon Jong Shik à l'économie, ce qui ne surprit personne. Tandis que tout le gratin venait lécher les bottes de son père et espérer – ou pas - voir en lui un futur président, les graines de la revanche qui ont planté dans le cerveau d'Anthea ont germé. Elle décida de coiffer son père au poteau, de devenir ce qu'il ne sera jamais, c'est à dire président. Elle continuait de faire croire à sa soumission, mais sa mère commença à se douter de quelque chose lorsqu'elle vit sa fille étudier la bourse et les courants politiques à dix-sept ans. Sa fille devenait trop intelligente... Alors pour la contrer, ses parents eurent l'idée de la fiancer à un fils de famille riche, les Jung, également, qui serait lié au premier ministre... Au début, elle s'effondra. Puis, en discutant avec son futur mari, elle se rendit compte que tous deux avaient des projets communs, et en arrivèrent à s'allier pour le mal de leur famille. Etant donné que Laurel devait reprendre l'entreprise familiale, Anthea demanda sagement à ses parents si elle pouvait étudier les sciences politiques à la SNU plutôt que de devenir étoile. Ses justifications furent d'ordre matériel, afin qu'elle devienne le bras droit de son mari, mais pour ne pas non plus trop en faire. Avec ce genre d'explications, ses parents acceptèrent et crurent que la crise d'adolescence qu'avait leur fille était passée, et qu'elle était devenue plus raisonnable.

Crise? Où ça? Pas chez elle en tout cas! Au moment d'entrer l'université, la jeune femme arrêta la danse, au grand dam de sa mère, et s'engagea corps et âme dans les études dès sa première année, tandis que son frère était lui en sixième année. En entrant dans l'âge adulte, Anthea s'autorisa à faire tout ce qu'une lady ne doit pas faire; boire plus que de raison, fumer comme un pompier, mettre autant d'hommes dans son lit qu'il n'y de journées... Bref, l'éclate. Elle faisait les deux choses en même temps, et avaient des notes frôlant l'excellence, ce qui avait de quoi inquiéter ses parents. Toutefois, ils ne virent rien, trop occupés par les notes catastrophiques de Priam au cours de son doctorat. Il fut, à 24 ans, interdit de sortie et condamné à rester chez lui alors qu'Anthea, elle, faisait tout ce qu'il ne faisait pas.

Actuellement, la roue à tourné. Certes, elle reste toujours une petite conne un peu trop intelligente aux yeux de son père, et une naine – trop de danse classique a nui à sa croissance - pas assez fashionista aux yeux de sa mère. Pff. Rien à foutre. Le plus important pour Anthea n'était pas sa famille, ni le regard des autres. Ça, c'est futile, et pas assez intéressant. Il fallait qu'elle soit la meilleure, qu'elle réussisse ses études en sciences politiques, faire des merveilles en droit et en affaires publiques pour prendre un jour la place de son père et lui faire voir ce qu'il a raté. Actuellement, Anthea est mieux placée que Priam pour avoir les secrets de son père en matière de business et de corruption. Pour cela, elle peut compter sur son allié en affaires et en manipulation, son propre fiancé. Car oui, elle ne l'oublie pas, même si elle ne l'a jamais aimé en tant qu'amant. La jeune femme cache ses secrets, ses histoires, ses ambitions et autres manipulations derrière une apparence mignonne et modeste. Et ça marche.