Lundi matin. S’il y a bien une chose qu’Ewon déteste, c’est les lundi matin. Pas qu’il ait de réel problème avec les lundis matins en eux-mêmes, c’est plutôt ce qui les précède et qui leur succède. Il avait comme chaque semaine, passé la nuit à mixer à l’Oxford, la boite de nuit la plus en vogue de Séoul. Et la plus fréquentée par la jeunesse huppée de la capitale. Un job de DJ qu’il a décroché avec plus ou moins de fierté peu après son entrée à l’université. Il y mixe trois nuits par semaine. Il ne peut pas davantage à cause de ses cours. Il a beau adorer son job comme personne, il y a pourtant des fois ou il se trouve éreinté. Enfin c’est surtout les lundis qui sont plutôt rudes… Il faut dire que quand il rentre chez lui, pour enfin pouvoir dormir, il est cinq heures et demie du matin passées, et à peine deux heures et demie plus tard, il a cours. Autant dire que ses nuits sont courtes ce jour-là. Alors parfois il dort une heure avant de se relever et d’aller en cours et remets son hibernation à plus tard, ou alors, s’il sort d’une semaine épuisante, il passe sa matinée au lit. Bien qu’après, il se retrouve à devoir courir à gauche, à droite pour récupérer ce qu’il a manqué. Heureusement qu’il a bon nombre de connaissance et qu’il lui est donc facile de récupérer ses cours sinon il aurait été bien embêté. Mais, les lundis où il troque les heures de cours de la matinée contre quelques heures de sommeil réparateur restent relativement rares, même s’ils arrivent de temps à autres, inéluctablement.
Comme aujourd’hui par exemple. Il n’avait pas spécialement prévu de rester au lit, mais la fatigue l’avait rattrapé contre son gré. En effet, il avait voulu parler avec Ah Xia son colocataire et ami. Enfin parler, il voulait surtout s’assurer qu’il allait bien. Xia n’avait pas l’air très bien ces derniers. Et tout particulièrement hier soir où il lui avait semblé plus pâle que d’habitude. Xia lui avait bien assuré noir sur blanc que tout allait bien, mais il n’avait été ni convaincu, ni rassuré par les paroles de son ami. Il n’avait malheureusement pu s’étendre davantage devant aller travailler. Alors il avait pensé le coincer ce matin avant les cours pour s’assurer qu’il allait vraiment bien et qu’il ne s’agissait pas là, juste de quelques paroles qu’il avait dites pour ne pas l’inquiéter. Il savait parfaitement comment était Xia. Le jeune homme essayait toujours de faire bonne figure quoi qu’il arrive.
Le réveil affichait dix heures et demie passées quand il se réveilla. Il poussa un long soupir mi las, mi exaspéré. Il avait dormi plus longtemps qu’il ne le pensait. Pourtant, il avait l’impression qu’il venait peine de s’endormir. Évidemment. Il ne dormait pas très bien ces derniers temps, ses nuits étaient agitées. Agitées de pensées et de souvenirs douloureux… Et d’autres qu’il ne devrait pas avoir. Avec un nouveau soupir, il repoussa les draps et se leva de mauvaise grâce. La première chose qu’il fit une fois hors du lit, fut de mettre de la musique pour créer un fond sonore et pour se réveiller et puis surtout pour se mettre de bonne humeur. Comme chaque matin. Parce qu’il déteste de le silence et que la musique, c’est sa vie. Et après un rapide toilette, il se fit un café, un vrai, un bon, comme il savait si bien les faire, et quitta son appartement. Il achèterait à manger en cours de route. Pas le temps, ni l’envie de se cuisiner quelque chose. Par réflexe, il essaya d’appeler Xia, mais il tomba sur son répondeur alors il raccrocha. Sûrement encore en cours.
Quand il arriva finalement à l’université, un de ses camarades l’héla immédiatement. « Tiens, quelqu’un vient de sortir du lit on dirait. », lui dit-il en se moquant gentiment de ses cheveux encore en bataille. Il grogna un peu pour la forme, avant de s’enquérir de ce qu’il avait manqué. Et les deux heures qui suivirent avant la reprise des cours de l’après-midi s’écoulèrent ainsi, dans la joie et la bonne humeur. Les plaisanteries fusaient et certains des jeunes présents se mirent à pousser la chansonnette. Comment c’était souvent le cas pour les élèves de la section musique. L’art et la musique n’avaient ni de lieu, ni d’heure pour s’exprimer. Ewon les accompagna à la trompette. C’est la qu’il croisa le regard marron d’une jeune femme qui avait rejoint le petit groupe en cours de route. Blonde. Jolie courbes. Coquette. Très agréable à l’œil, en tout et pour tout. Pourtant, comme souvent, son radar alien, se mit en marche. Ou peut-être était-ce le fait que, malgré qu’elle se mette ainsi physiquement en avant, elle ne semblait pas aussi à l’aise qu’elle aurait voulu le faire croire. Alors Ewon l’approcha et ils commencèrent à discuter. Ils continuèrent à parler dans les couloirs de l’université en se rendant à leurs cours respectifs. Ewon trouvait qu’elle avait une jolie voix, grave, avec quelque chose de jazzy et de sexy. Ça la fit beaucoup rire et en retour, elle lui avoua qu’elle avait du mal à trouver son style et à se trouver tout court. Alors il lui proposa de l’aider et décidèrent alors de se retrouver à l’appartement du jeune homme après les cours pour faire quelques essais. Et quand ils se retrouvèrent seul dans la pièce qu’Ewon avait aménagée et qui servait de salle de musique, si l’ambiance fut d’abord bonne enfant, le ton changea rapidement quand ils se mirent à flirter au fil de leurs essais musicaux. Le jeu devint déduction, et si il avait pris pour habitude ne plus ramener de conquêtes à son appartement depuis qu’il vivait avec Xia, pour ne pas lui imposer leur présences, il se laissa pourtant tenter cette fois-ci. D’une part parce que Xia n’était pas là, et d’autre part il voulait exorciser ces pensées dérangeante qu’il ne devrait pas avoir et qu’il ne voulait pas avoir. Alors pourquoi pas ?
C’est ainsi qu’Ah Xia les trouva corps contre corps, bouche contre bouche. L’apparition soudaine de son colocataire les fit sursauter tout les deux. « Xia ?! » Il entendit ce dernier s’excuser de les avoir déranger, pourtant Ewon ne l’écoutait pas vraiment. Il essayait de déchiffrer l’expression qu’arborait son ami en ce moment. Il y avait de la surprise certes, mais aussi autre chose qu’il n’arrivait à définir. Mais plus que tout autre chose, ce fut les yeux rougis du jeune homme qui le firent tiquer. Pourtant, avant qu’il n’ait pu faire quoi que ce soit, son colocataire s’était précipité hors de la pièce. Sans plus réfléchir, Ewon repoussa la jeune femme dans ses bras en s’excusant pour rattraper son ami. Quand il le rejoint, il lui attrapa le poignet avant qu’il n’ait pu aller s’enfermer dans sa chambre. « Xia, qu’est-ce qui… » Dans son dos, la voix de la jeune femme l’appelant interrompit son interrogation. Il se tourna vers il en lui adressant un petit sourire désolé. « Désolé, mais je crois qu’il serait mieux que tu rentres pour aujourd’hui… » La jeune femme acquiesça non sans jeter quelques regards suspicieux à son colocataire et s’exécuta. « A plus tard. », lui dit-elle avant de quitter l’appartement. « Mmh, bye-bye », lui répondit-il en forçant un sourire. Quand il entendit la porte se refermer, il reporta son attention sur Xia qui n’avait pas bougé d’un pouce et qu’il n’avait toujours pas lâché. Il lui jeta un coup d’œil critique –ses yeux étaient vraiment rouges, remarqua-t-il et il tremblait légèrement-, avant de prendre une grande inspiration. « Bon, commença-t-il, tu veux me dire ce qui se passe. Pourquoi tu as pleuré ? Il t’es arrivé quelque chose ? », demanda-t-il. Il était inquiet, c’était indéniable. Ce n’était pas tout les jours qu’il voyait l’autre jeune homme dans un état pareil. Il approcha sa main libre pour tenter de forcer son ami à le regarder, mais il sentit celui-ci se dégager pour se soustraire à son toucher, toujours en prenant soin d’éviter son regard et en gardant le silence. Cette fois, Ewon fronça franchement les sourcils avant de réitérer sa question avec le plus grand sérieux. « Xia, qu’est-ce que tu as ? Sérieux, tu m’inquiètes, là… » Si jamais quelqu’un avait osé toucher ne serait-ce qu’un seul cheveu de la tête de son ami, il jurait sur la tête de tout les dieux existant que… Il ne put pourtant pas continuer le fil de ses pensées car son colocataire venait finalement de prendre la parole.

« Qu’est ce que tu fais ? Retourne t'amuser ~ », lui lança Xia, la voix entrecoupée de sanglot, tentant tant bien que mal de donner le change. Inutile de dire que c’était raté. Ewon n’était pas dupe. Pour ne pas dire que cela ne faisait qu’ajouter à son anxiété. Pour que son ami soit dans un tel état, ce ne devait pas être une broutille qui avait rougie ses yeux, même s’il n’était pas sûr que les larmes qui avaient déjà séchées et celles qui étaient en train de rouler sur les joues pâles du jeune homme, étaient pour les mêmes raisons. Il ne comprenait pas vraiment le comportement actuel de Xia, et encore moins sa réaction quand il l’avait vu avec la jeune chanteuse qu’il avait ramené dans leur appartement. D’ailleurs en parlant de ça, il ne comprenait pas plus la sienne non plus. Pourquoi avait-il eu l’impression d’être en tort face au regard blessé que lui avait jeté Xia ? Pourquoi avait-il eut l’impression d’être un enfant coupable pris en faute ? Il n’aimait pas beaucoup cette sensation pour être franc. C’est vrai, d’habitude il aurait continué à « s’amuser », balayant l’interruption d’un revers de la main et l’oubliant l’instant suivant en reprenant son activité première. Mais là, il avait réagit tout à l’opposé de ses habitudes. Il avait presque l’impression d’avoir fait quelque chose de mal. Ce qui n’était pourtant pas le cas. Il était célibataire. La jeune femme aussi. Et Xia étant purement homosexuel, il n’y avait aucune chance pour qu’il ait des vues sur elle, expliquant de ce fait sa réaction démesurée…
Et pourtant, il était là, au beau milieu du couloir de leur appartement, sa main enserrant le poignet de son colocataire, avec une envie irrépressible de se justifier face à la situation. C’était stupide. Ridiculement stupide. Tout bonnement idiot. Et pourtant il balbutiait, cherchant les mots qui lui échappaient, ne sachant au fond que dire et que faire. « Que… ? Non, je… Ce n’est pas… enfin je veux dire… » Les mots restaient coincés au fond de sa gorge, d’autant plus qu’il était davantage inquiet pour son ami que pour le reste. C’est pour ça qu’il remercia mentalement la jeune artiste de son intervention qui le sorti de l’embarra dans lequel il s’était embourbé. Quand il dit à la jeune femme de partir, elle ne se fit pas prier et rassembla rapidement ses affaires avant de quitter l’appartement. Elle avait certainement compris que quelque chose n’allait pas. Enfin, il ne fallait pas être un génie en cet instant pour voir qu’Ah Xia n’allait pas bien du tout. Un aveugle aurait pu le voir. Et puis elle devait bien se douter qu’il s’agissait de quelque chose qui la dépassait de loin et qui ne la regardait aucunement et dont elle ne devait pas se mêler. De toute façon, c’était une femme, et les femmes sont bien connues pour avoir une intuition et un sixième sens très aigu et des plus aiguisés.
Il en avait profité pour reprendre contenance et après avoir pris une grande inspiration il avait entreprit de questionner son ami. Sauf que la réaction qu’il obtint n’était pas vraiment celle à laquelle il s’attendait et de loin. Il s’était attendu à ce que Xia garde le silence ou le repousse ou tente de reprendre lui aussi contenance pour éluder la question, mais… il ne s’était pas attendu à ce que ce dernier ne s’effondre en sanglotant de plus belle sans pouvoir se contrôler. Oh, il tenta bien de se soustraire à la poigne d‘Ewon, mais c’était peine perdue. Le cadet était plus fort, il le savait bien, mais surtout, ses tentatives pour lui échapper manquaient de volonté. Et c’est avec une inquiétude grandissante qu’il le pressa pour obtenir une réponse à ses interrogations, ou… ou… ou quelque chose, n’importe quoi qui puisse l’aider à comprendre se qui se passait et surtout qui puisse le rassurer. Pourtant, la seule chose qu’il obtint, fut un Ah Xia en pleurs qui lui tomba dans les bras. Il ne réagit pas tout de suite, trop surpris, pour ne pas dire choqué par l’attitude de plus en plus étrange de son ami. Il finit cependant par réagir et serra Xia dans ses bras, passant une main dans ses cheveux pour l’apaiser. Il regardait anxieusement le jeune homme dont le visage mouillé était enfoui dans son cou, tentant en vain de chasser la boule qui s’était formée dans sa gorge. Il n’aimait pas ça. Pas ça du tout. Son cœur battait à la chamade, mais ce n’était pas ces battements houleux que l’on a quand on est trop heureux et que l’on ne sait que faire de toute cette joie. Non. Là, c’était quelque chose de saccadé qui vous retourne les trippes comme une prémonition de mauvaise augure, un présage pour le pire… Et qui ne manqua pas de se confirmer quand le jeune homme dans ses bras réussi à se calmer suffisamment pour parler.
« A l'hôpital... Ils ont dit... Ils ont dit que si le nouveau traitement ne marche pas... La maladie va s'enclencher et le moindre rhume pourra... Me tuer. »
Voilà, ça y est. La bombe était lâchée. Ce qu’il redoutait le plus était en train d’arriver. La maladie de Xia était en train de passer au stade supérieur. Les choses étaient en train de dépasser le point de non retour. Le choc de la nouvelle le laissa sans voix. Il était incapable de réagir. Il avait le souffle coupé et son cœur devait avoir raté un battement ou deux. Il avait l’impression que le sol se dérobait sous ses pieds. Il vivait un cauchemar. Un cauchemar tout éveillé. Un cauchemar bien réel. Ce fut la voix de Ah Xia qui, en s’élevant à nouveau, le tira de sa torpeur. « J’ai pas envie de mourir ! J'ai peur Ewon, J'y ai jamais pensé... J'ai peur ... » Lui non plus n’y avait jamais vraiment pensé, à ce moment fatidique qui arriverait un jour ou l’autre, inéluctablement. Il ne savait que faire ou que dire. Il aurait aimé lui dire que tout irait bien, mais les mots restaient coincés dans sa gorge. Il ouvrit plusieurs fois la bouche dans une veine tentative pour parler, mais rien ne vint. Il posa désespérément son regard sur tout les recoins du couloir, sur chaque objet, chaque détail, comme si ils pouvaient lui apporter la moindre aide. Il ne put au final que serer Xia plus fort contre lui et passer une main tremblante dans les cheveux de feu.
Après un moment, il prit une inspiration tremblante et déglutit difficilement avant de repousser doucement le jeune homme dans ses bras et pris ses mains dans les siennes avant de finalement parler. « On… on va aller s’asseoir, d’accord ? On y sera mieux pour… parler… » Son visage s’était fermé et son expression était devenue quasiment indéchiffrable, tandis qu’il entrainait Xia vers leur petit salon. Au fond, il ne savait toujours que faire ou dire. Il était perdu, inquiet, anxieux et frustré. Il se mordit la lèvre inférieure pour réprimer une grimace. Il ne devait pas craquer devant Xia. Surtout pas. Se serait la pire chose à faire. Son ami avait besoin de lui pour le soutenir, l’aider et le rassurer face à cette écrasante nouvelle, pas qu’il lui en rajoute une couche à cause… À cause de quoi au fond ? De sa propre impuissance ? De son passé qui revenait à la charge quand il croyait l’avoir enterré ? D’autre chose ? De tout ça à la fois ? Il n’en savait trop rien. Et pour le moment, il n’avait ni la capacité, ni l’envie d’y réfléchir. Il y avait plus important.
Quand ils arrivèrent au salon, il fit asseoir Xia sur leur canapé. Lui, il resta debout. Il ne peut pas rester assis dans cette situation, c’est tout bonnement impossible. Il se mit alors à faire les cent pas, pour tenter de se calmer et reprendre contenance et chercher pas où commencer. Un moment passa ainsi dans le silence, puis, il passa ses mains sur son visage avant de prendre pour la énième fois une profonde inspiration. « Pourq… Pourquoi tu étais à l’hôpital aujourd’hui ? Si je me souviens bien, tu n’avais aucun rendez-vous de prévu, pas vrai ? » Il lança un coup d’œil critique au jeune homme qui n’avait pas bougé et finit par laisser un soupir agacé, face au regard fuyant de son ami. « C’est pas vrai, grommela-t-il, alors j’avais raison. Tu n’allais vraiment pas bien ses derniers jours… Bon sang, mais pourquoi tu ne t’es pas reposé ! », finit-il par exploser. La détresse perçait dans sa voix qu’il sentait vaciller et trembler. « Tu aurais pu… » Il n’acheva cependant pas sa phrase en voyant l’expression qu’arborait son ami à cet instant. Il détourna les yeux, un peu coupable d’avoir élevé la voix. « Désolé, dit-il radoucit, je sais que tu n’y aies pour rien. Je m’excuse… Je… J’aimerais, je sais pas, pouvoir faire quelque chose, pouvoir te dire que tout ira bien, mais je… j’y arrive pas. Pardonne-moi. Je sais pas quoi faire. Tu… ne vas pas bien et je suis totalement impuissant. Encore une fois, je ne peux rien faire pour un être cher. C’est… frustrant. » Il laissa échapper un nouveau soupir tremblant pour cacher la fêlure dans sa voix, avant de contourner la table basse et de venir s’effondrer aux pieds de Xia. Lui qui s’était promis de ne craquer sous aucun prétexte, c’était raté, il en avait déjà trop dit. Il resta un moment, la tête contre les genoux de Xia avant de reprendre contenance et de reprendre la parole. « Ce… Ce nouveau traitement c’est quoi ? Tu vas le prendre, hein ? », demanda-t-il très sérieux et inquiet tout à coup. Il savait très bien ce qui avait amené leur colocation à l’époque. Ah Xia manquait d’argent et de ce fait avait laissé tomber son traitement. Et évidemment, les conséquences n’ont pas été très belles. Et il savait très bien que le jeune homme referait la même bêtise si le même cas de figure se reproduisait. Il était près à le soutenir financièrement, après tout il en avait les moyens vu que s’est son tuteur qui paie pour tout ses frais. Son salaire de l’Oxford est donc intouché et bien au chaud en banque. Seulement, il sait aussi parfaitement bien que jamais Xia ne le laisserait faire une telle chose. D’ailleurs il n’a accepté sa proposition de colocation que parce qu’il était dans une situation délicate et qu’Ewon en avait profité pour le convaincre à ce moment-là. Un mal pour un bien comme on dit… Bien sûr maintenant Xia avait un boulot, mais il ne pouvait s’empêcher de s’inquiéter si son salaire venait à ne plus suffire pour couvrir ses frais médicaux.

Le jeune homme ne savait pas trop ce qui lui faisait le plus peur. Si c'était cette nouvelle qui allait bouleverser le cours de sa vie, ou si c'était le fait qu'en le regardant embrasser cette fille, il s'était rendu compte qu'ewon avait totalement tiré un trait sur la nuit qu'ils avaient passé ensemble, qu'il de rende compte que finalement ça n'avait pas compté tant que cela pour lui, ou si c'était de savoir qu'un jour Ewon finirait par partir et le laisser seul. Il se gifla intérieurement devant sa propre naïveté. Qui choisirait un gars atteint séropositivité qui etait constamment sur la corde raide, alors qu'en fasse il y avait une belle jeune femme avec qui il pouvait faire des projets. Se marier, avoir des enfants. Ah Xia ne pouvait promettre a personne qu'ils finiraient leurs vies ensemble.

. « Que… ? Non, je… Ce n’est pas… enfin je veux dire… » 

Le rouquin ne j'ecoutais déjà plus. Parce que l'apparition de la jeune fille lui rappela pourquoi est ce qu'il le fuyait. Alors il voulut profiter de son moment d'inattention pour fuir, aller s'enfermer dans sa chambre et ne plus en sortir avant que la honte d'avoir fait un tel foin pour ses sentiments et ses problèmes personnels se serait estompée.
Malheureusement, la combat était perdu d'avance. En plus il était encore très faible et n'avait pas la vigueur qu'il avait en temps normal. En fait, il se sentait comme une loque et ça lui était autant insupportable que ses pleurs étaient totalement incontrôlables.

En quelques secondes, le voila qui s'était étalé dans ses bras, comme un idiot, et il pleurait a chaudes larmes dans son cou. Envolée la honte ou la gêne du début. Il avait lâché prise et ça lui faisait énormément de bien, a croire que les bras du jeune homme était le seul endroit au monde ou il se sentait a sa place. 
Étrange n'est ce pas ?? Mais quand il passa sa main dans ses cheveux, il soupira et se rapprocha un peu de lui.

Le plus jeune eut de nouveau un gros sanglot quand Ewon le sépara de ses bras. Peut être est ce qu'il voulait lui dire qu'il lui en voulait pour l'avoir interrompu dans son rendez vous pour une chose aussi futile. Mais il en était moins sur quand celui ci s'empara doucement de ses mains.

« On… on va aller s’asseoir, d’accord ? On y sera mieux pour… parler… »

Le jeune homme suivit docilement son colocataire jusqu'au salon, sans pour autant relever la tête. Il avait totalement conscience qu'il devait surement ne pas être beau a regarder. Il fut assis dans le canapé qu'il osa lever les yeux vers son ami. Il fut presque choqué de le voir aussi paniqué. Il voulut s'excuser pour lui avoir fait peur, mais l'autre fut plus rapide que lui.

« Pourq… Pourquoi tu étais à l’hôpital aujourd’hui ? Si je me souviens bien, tu n’avais aucun rendez-vous de prévu, pas vrai ? »

Le jeune xia ne sut que répondre a cela. Il s'était évertué a repousser l'hôpital un maximum alors que déjà quelques jours auparavant, il souffrait déjà énormément et son coloc s'en était bien rendu compte.

« C’est pas vrai, grommela-t-il, alors j’avais raison. Tu n’allais vraiment pas bien ses derniers jours… Bon sang, mais pourquoi tu ne t’es pas reposé ! »,

La détresse se lisait dans les yeux du plus vieux. Il n'avait jamais vu Ewon s'énerver comme cela, et cela lui redonna les larmes aux yeux Tant ça l'avait secoué.

-je suis....tellement désolé !

Mais heureusement, l'eclat d'humeur contre le plus petit fut de courte durée. Surement soucieux de ne pas déclencher une nouvelle crise de larmes, il se fit plus doux pour la suite.

Désolé, dit-il radoucit, je sais que tu n’y aies pour rien. Je m’excuse… Je… J’aimerais, je sais pas, pouvoir faire quelque chose, pouvoir te dire que tout ira bien, mais je… j’y arrive pas. Pardonne-moi. Je sais pas quoi faire. Tu… ne vas pas bien et je suis totalement impuissant. Encore une fois, je ne peux rien faire pour un être cher. C’est… frustrant. »

Ce qu'il dit le toucha profondément. Il attrapa doucement sa main pour lier sa main a la sienne. D'abord parce qu'il lui avouait vouloir le rassurer, parce qu'il disait qu'il etait quelqu'un de cher pour lui. Il leva la tête vers lui, en fronçant les sourcils. 

-Encore une fois ? Que tu veux tu dire ?

Mais le jeune homme semblait si absorbé par ses réflexions qu'il ne remarqua pas leurs mains entrelacées ni la tête du rouquin posée sur son épaule. Il était bien contre lui, il pouvait contrôler un minimum sa peur, ce qui ne l'empechait pas de trembler.

-si tu me serres un peu contre toi, ça m'aidera beaucoup.

Ni voyez rien de malsain la dedans, bien sur, il agissait et parlait sans arrières pensées, a la manière d'un enfant, d'un nourrisson.

« Ce… Ce nouveau traitement c’est quoi ? Tu vas le prendre, hein ? »

Ah Xia baissa la tête. Il montrait clairement que sa réponse n'allait certainement pas lui plaire, mais il n'y pouvait rien... C'est juste que... Il imaginait ses parents dans une situation bien pire que la sienne.

-Je ne sais pas, Ewon. Mon père a perdu son travail, ils n'ont aucun revenus... Je crois que je préfères leur payer leurs médicaments.

Cette décision lui coutait, bien sur, mais elle lui semblait couler de source. Aider ses parents a se soigner, ce n'était pas le rôle de tout enfant ? Mais il remarquait cette profonde lueur de tristesse dans les yeux de Ewon. Il caressa légèrement le dos de sa main pour le faire réagir.

-Il y a quelque chose d'autre, pas vrai ? Dis moi.

Il le suppliait du regard pour qu'il lui dise et qu'il puisse le consoler, comme il l'avait fait tellement de fois. Ses grands yeux noirs se posèrent dans ceux de son ami, et il eut énormément de mal a en sortir.