SO I AM CROSSING
OVER THE HATE
ANTHEA & LAUREL « Nous allons diner chez ta belle-famille demain, tu es prié de venir avec nous. Les parents d’Anthea ont très envie de te voir. »Dubitatif, Laurel repassa lentement son doigt sur l’écran de son smartphone comme pour en déloger les quelques poussières qui s’y étaient attardées. Le message que sa mère lui avait envoyé la veille ne le réjouissait pas réellement ; tout repas réunissant les deux familles promettait d’être long, fastidieux et pesant. Il était vrai qu’il n’avait pas vu sa fiancée depuis quelques jours maintenant, reclus dans sa chambre-atelier comme il l’avait été, et qu’il avait des choses à lui dire. Mais pour ce faire, il n’avait pas franchement besoin d’aller cavaler à travers tout Séoul jusqu’au blockhaus qui lui servait de maison – il aurait très bien pu attendre jusqu’au lundi prochain qu’elle revienne sur le campus pour ses cours. L’américain avait pour tout dire une flemme monumentale et hésitait encore à se rendre au diner à quelques heures de celui-ci. Avec un soupir, il arqua un sourcil et se mordit la lèvre, puis jeta le téléphone sur la couette de son lit, à l’autre bout de la pièce exigüe. Que faire ? Le jeune homme mit ses mains dans les poches de son jeans et s’adossa contre le mur, en pleine réflexion.
D’un côté, il ne pouvait pas manquer à son engagement avec Anthea, et cela impliquait participer aux diverses collations organisées par la famille de la jeune femme. Après tout, il ne fallait pas faire mauvaise impression au patriarche Kwon, sous peine de mettre en danger leurs plans. De plus, si les deux familles étaient réunies, cela promettait des discussions très… instructives. Laurel grimaça imperceptiblement. Mais cela, Anthea pouvait très bien s’en occuper toute seule. C’était elle, après tout, l’étudiante en politiques, pas lui. Pas besoin de son artistique présence pour ausculter au travers des paroles échangées par leurs pères respectifs l’état actuel des hautes sphères politiques du pays. Le peintre laissa son dos glisser le long du mur et s’accroupit, sans quitter le portable qui trônait sur son lit des yeux. Il pesa rapidement le pour et le contre de la chose, pour en déduire avec une pointe d’irritation qu’elle n’était malheureusement pas contournable ; en plus de potentiellement quitter les petits papiers de son ‘beau-père’, il risquait de mettre sa fiancée d’humeur massacrante – et cela ne l’arrangeait en rien.
C’est donc avec un ennui non dissimulé que Laurel troqua son tablier maculé de peinture pour l’un des multiples costards qui se balançaient dans sa penderie improvisée. Il se pencha vers la plaque réfléchissante posée sur son bureau qui lui servait de miroir et passa dans ses cheveux ses doigts imbibés de gel pour les ébouriffer avec classe et nonchalance. Un petit sourire en coin, il jeta un regard vaguement triste et cynique à son reflet ; il n’y avait pas à dire, l’on aurait presque pu le croire davantage à l’aise dans une veste noire cintrée que dans une blouse de peintre. Mais après tout, cette mascarade à laquelle il se prêtait ne faisait que partie intégrante de sa personnalité et, si rien en lui ne le désignait comme fils de ses parents, son apparence au moins prêterait à maintenir l’illusion de la chose.
L’américain s’aspergea en coup de vent d’eau de toilette puis saisit d’une main sa veste de cuir pendant qu’il y fourrait rapidement de l’autre ses clefs, son portefeuille et son portable. Il enfila son blouson par-dessus son costume, prit son casque de moto sous le bras et, sans oublier de verrouiller sa chambre, s’en alla au parking récupérer son scooter (
ledit scooter). La nuit commençait à tomber, et l’air glacé de février vint lui saisir avec vigueur les poumons. En reniflant, il regretta de ne pas avoir pris une écharpe et jeta un coup d’œil sur sa montre. Il avait un bon quart-d'heure d’avance sur le rendez-vous que ses propres parents lui avaient fixé chez eux, mais comptait en profiter pour s’arrêter chez un fleuriste sur le chemin ; après tout, avait-on déjà vu un fiancé venir dîner chez sa belle-famille les mains vides ? C’était une formalité dont Laurel aurait bien préféré se passer, mais l’histoire était systématiquement la même : lui et Anthea avait des apparences à entretenir. Il fit donc une pause en sortant du campus pour acheter un bouquet de roses jaunes à sa partenaire – sans manquer de sourire à la symbolique de ces fleurs – avant de les ranger dans le coffre et d’enfourcher à nouveau son véhicule en direction de la demeure familiale. Il ne restait maintenant plus qu’à espérer que les végétaux tiendraient le coup pendant le trajet…
Lorsqu’il arriva en bas de chez ses parents, ces derniers étaient déjà sur le pas de la porte, prêts à traverser la rue jusqu’aux Kwon, qui habitaient en face. Laurel eux un léger haut-le-cœur en apercevant son père ; à quand remontait donc la dernière fois qu’ils s’étaient tous les deux vus ? Le paternel arborait son éternel visage impassible et condescendant, semblant désapprouver silencieusement son scooter – mais après tout, qu’approuvait-il des choix du jeune homme ? Rien, mis à part peut-être la femme que son artiste de fils avait ‘acceptée’ d’épouser. Que de foutaises. En essayant de passer outre le regard respectivement froid et curieux des Jung seniors, l’américain gara son engin sur le trottoir. Il dégrafa son casque, retira sa veste de cuir et les rangea tous deux dans le coffre de son véhicule sans oublier d’y récupérer au préalable le bouquet qui semblait être sorti indemne de son trajet à travers la capitale. Laurel déglutit et, un sourire se voulant plein d’assurance aux lèvres, s’avança pour saluer les deux adultes d’un
« Annyeonghaseyo. » accompagné d’un signe de la tête vers chacun.
La réponse ne se fit pas attendre ; sa mère l’observa de haut en bas, avant de déclarer avec un pincement aux lèvres :
« Ton costume a des faux plis, Laurel. Tu aurais pu faire un effort, ton père a une réputation à tenir auprès du ministre, et toi auprès de ton beau-père ». A peine surpris, le jeune homme sentit une chaleur haïssable l’envahir – mais se retint bien de répliquer avec mépris qu’elle ne pouvait espérer de son fils qu’il aille dilapider ses revenus d’étudiant en pressing pour visiter une belle-famille qu’on lui avait imposée. Avec le tact qui le caractérisait, il contint son dégoût en son for intérieur pour n’afficher qu’une moue jmenfoutiste et un sourire inconscient.
« Ah ? Je n’avais pas vu. » Changeant rapidement de sujet pour ne pas s’éterniser sur son apparence – apparence qui ne pouvait être totalement mauvaise en soi, étant donné le soin qu’il avait pris de se raser, de se coiffer et de se parfumer – il désigna d’un léger coup de tête vers sa droite la demeure d’en face.
« Non pas que vous ne m’ayez pas manqué et que je n’ai pas envie de discuter avec vous, mais… nous allons être en retard, non ? »Ils traversèrent tous les trois la rue et vinrent sonner à la porte des Kwon ; la mère d’Anthea, perchée sur des talons d’une bonne dizaine de centimètres, vint leur ouvrir. Laurel ne put s’empêcher d’afficher un sourire qu’il ne réservait qu’à la gente féminine digne de ce nom à la vue de la quadragénaire. Qu’elle avait dû être belle, en sa jeunesse. C’était bien dommage qu’Anthea n’ait hérité pour la plus grande partie que des gènes de son père ; enfin, intellectuellement, c’était rassurant, mais physiquement, il n’y avait pas à dire... Si la jeune femme avait été un brin plus semblable à sa génitrice, l’américain aurait peut-être – éventuellement – pu considérer avec sérieux leurs fiançailles. La réflexion arracha un petit rire au peintre.
« Des fleurs ! Anthea sera ravie ! » La voix de Mme Kwon tira Laurel de ses pensées. Il vit la concernée descendre l’escalier derrière sa mère et venir se placer près de celle-ci. Avec un sourire un brin provocateur en direction de sa fiancée, il tendit le bouquet à la quadragénaire.
« Ce n’est pas pour elle mais pour vous, eomeoni. » Il retint un rire à la vue du roulement d’yeux d'Anthea, et, pendant que ses parents saluaient en bonne et due forme la mère de cette dernière, se dirigea vers elle pour embrasser son front.
« Bonsoir, chérie. » Cet étalage d’affection artificielle lui valut un regard noir de la part de la jeune fille. Amusé, Laurel fronça les sourcils et lui murmura à l’insu de leurs parents :
« Désolé, mais ce soir, on ne va pas y échapper. Et crois-moi, j’ai vraiment hésité à venir – pas spécialement envie de voir tout ce beau monde. Mais bon, ce n’aurait pas été très gentleman de ma part de te laisser seule avec eux, si ? ».
Du coin de l’œil, il vit Priam descendre à son tour les accueillir. Le jeune peintre ne réprima pas une grimace que seule Anthea pouvait distinguer, et alla serrer la main à son camarade en le saluant d’un
« Bonsoir » froid, avant de se retourner vers sa fiancée.
« Dis, chérie, nous avons tout de même droit à un apéritif ? Je viens de traverser tout Séoul en scooter dans un froid de canard, et je ne dirais pas non à une petite flûte de champagne… » Mme Kwon, suivie des trois jeunes, guida les parents de Laurel jusqu’à la salle à manger où les attendait le patriarche de la maisonnée. Laurel verrouilla une bonne fois pour toute son passage à la bête stratégique qu’il était, et entra dans la pièce en saisissant la main de la jeune russo-coréenne qui se tenait à ses côtés, prêt à faire face au père de celle-ci.
- Spoiler:
voilà, c'est trop narratif, c'est nul, c'est à chier, et je suis capable de faire beaucoup mieux - mais au moins, comme ça, c'est lancé é.è